Ce n’est pas moi mais Bono, le chanteur du groupe U2, qui l’a dit. Je suis effectivement un fan inconditionnel de U2 et le but de cet article est de vous raconter une partie de l’histoire de Bono et les répercussions de celle-ci dans sa vie encore aujourd’hui. Vous restez bien évidemment libre de votre opinion sur la musique du groupe.
Nous sommes en septembre 1974, le jeune Paul Hewson (c’est son vrai nom) a 14 ans. La famille fête les 50 ans de mariage de ses grands-parents maternels. Comme dans toute bonne famille irlandaise, les chants et l’alcool coulent à flot et durant la nuit, malheureusement le grand-père décède d’une crise cardiaque.
Au cours de l’enterrement de son propre père Iris Hewson, la mère de Bono, semble s’évanouir et s’écroule. Elle vient de subir une attaque cérébrale et ne reprendra pas conscience. Elle décède à son tour 4 jours plus tard…
Bono raconte : “Et tout a été fini. C’est comme si notre maison s’était effondrée. Ma mère était morte, et nous n’étions plus que trois à vivre sous le même toit (il a un frère ainé). En fait, ce jour là, ça a cessé d’être un foyer. C’était juste une maison abritant trois hommes qui sombraient lentement, qui ne savaient pas comment gérer cette perte immense et s’entre-déchiraient. Le ton pouvait monter très haut.”
Au cours de l’année scolaire 1976, alors qu’il ne souhaite pas sérieusement y aller, il se se rend à une réunion suite à une annonce déposée dans son lycée : “Batteur cherche musiciens pour fonder un groupe”. Il y a là les 4 qui deviendront U2 et qui commencent à répéter assez lamentablement quelques reprises. A la fin du trimestre, il y avait un “Tremplin Rock” dans le gymnase du lycée et ils se sont mis à répéter 2 titres pour les jouer lors de cet événement.
La suite, Bono la raconte très bien : “On est montés sur cette scène, j’ai gratté ma guitare et quand j’ai entendu cet accord en ré, ça m’a galvanisé. Quand j’ai entendu cet accord de ré rebondir contre les murs, j’ai su que j’avais pioché la carte “Sortie de prison”… Ce fut un pur moment de libération. Comme sauter dans la mer et découvrir qu’on sait nager… Tout a changé pour moi, désormais je savais ce que je voulais faire de ma vie. Elle était là, cette chose dont je n’avais pas eu connaissance. Et c’est arrivé tellement vite. D’un seul coup on a une raison d’être. C’est un soulagement si énorme qu’on se dit que ça n’a plus vraiment d’importance si on se fait étendre aux examens.”
Je passe les années pour arriver au 6 décembre 2015. Je suis à l’AccorHotel Arena pour assister à mon 8ème concert de U2. L’ambiance est particulière car il s’agit de l’un des concerts reporté suite aux attentats du 13 novembre. 21h, Bono et ses acolytes arrivent sur scène et les 4 premières chansons s’enchainent. Après avoir fini de jouer “I will follow”, Bono pris la parole comme il lui arrive (trop ?) souvent de le faire pendant un concert :
“Nous avons quelques mots à dire sur les pertes que vous ressentez dans cette ville ce soir. Même si nous pensons connaitre un petit peu sur le Chagrin. J’imagine que le Chagrin est comme une plaie qui ne se referme jamais complètement. Je le ressens encore. J’avais 14 ans quand ma mère m’a quittée mais quand elle m’a quittée, elle a fait de moi un artiste. Et cette plaie est devenue une ouverture vers un autre monde. Et j’ai rencontré ces 3 mecs incroyables (les autres membres du groupe). Ces gars m’ont sauvé. Le Rock’n Roll m’a sauvé. Vous m’avez sauvé. Nous ne pouvons pas vous sauver mais notre prière est de vous être utiles ce soir.”
Au cours de ces 2 années après la mort de sa mère, le jeune Paul s’est beaucoup cherché : la religion et la présence de Dieu, l’alcool certainement, les filles peut-être, la violence évidemment car il se définit lui-même comme étant à l’opposé des chansons qu’il écrit. Tout ceci comme autant d’actes de résistance par rapport à ce qui est, avouons-le, une injustice de la vie.
Puis il a trouvé : Ali tout d’abord son amour d’adolescent qui est toujours son épouse aujourd’hui, les 3 autres membres du groupe qui fait preuve d’une exceptionnelle longévité dans l’histoire du Rock, une stabilité et certainement un sens à sa vie. Paul est devenu Bono Vox (du nom d’un magasin pour malentendants) puis Bono tout court. La “bonne voix” ou la “bonne voie” ? Il s’agit là d’une interprétation personnelle car en latin, on dirait plutôt “Bona Vox” et pour un Irlandais, le jeu de mot n’a pas beaucoup de sens en anglais (“the right voice” et “the right way”). En tout cas, dans mon métier, on évoquerait volontiers une transformation identitaire.
Bono a peu de souvenir de sa mère car après sa mort, son père a complètement cessé de parler d’elle. Ce qui n’est pas raconté, n’existe pas et il est probable qu’à travers certaines de ses chansons, il cherche à maintenir son souvenir d’une certaine manière (“I will follow”, “Mofo” et “Iris (Hold me close)” font toutes 3 références implicitement ou explicitement à sa mère). Par contre, il raconte souvent les origines du groupe et comment un copain de l’époque l’a convaincu et emmener en moto à la fameuse réunion chez le batteur. Elle était bien là cette chose dont il n’avait pas connaissance (conscience ?).
Mon propos n’est pas de plaindre Bono, sa vie aujourd’hui est certainement bien plus confortable que la plupart d’entre nous. Le sujet de cet article est au-delà de la résilience car il faut du temps pour y parvenir. Le sujet est comment celle-ci peut apparaitre dans notre vie grâce à un moment improbable. Il s’agit des choix que nous faisons consciemment ou inconsciemment pour affronter les épreuves. Toutes les options (la violence et la rébellion en sont une), toutes les possibilités s’offrent potentiellement à nous. Chacun choisit alors d’appliquer telle solution ou telle autre pour surmonter la difficulté, quelle que soit sa nature.
Dans chaque moment difficile, il y a une partie qui peut nous sauver et parfois nous la laissons de côté. Nous avons la possibilité non pas de réécrire notre histoire mais de chercher en nous quelle partie peut nous être utile pour surmonter ce moment. Le Rock’n Roll a sauvé Bono. Et vous, qu’est ce qui vous a sauvé ou qu’est ce qui pourrait vous aider ?
PS pour les fans : la photo est libre de droit, il s’agit d’une photo prise par mes soins le soir du 6 décembre 2015 à l’AccorHotel Arena